Les pesticides ne sont pas nouveaux et ne sont certainement pas une invention humaine. Les plantes et autres micro-organismes ont utilisé des produits chimiques pour se défendre d’autres organismes depuis des centaines de milliers d’années.
Prenez, par exemple, les noyers. Leurs racines produisent un produit chimique appelé juglone qui est sécrété dans le sol et inhibe la croissance des plantes voisines. Cela permet au noyer d’avoir tous les nutriments et l’eau à proximité pour lui-même.
Les plantes produisent également des insecticides. La nicotine est l’exemple le plus célèbre, produite par les plantes de la famille des solanacées, dont les tomates, les pommes de terre et, bien sûr, le tabac. De nombreux insectes phytophages évitent les plants de tabac car la nicotine est une neurotoxine puissante qui peut les tuer.
Les humains ont reproduit cette guerre chimique naturelle pour produire des pesticides qui sont devenus essentiels pour l’agriculture. Mais l’utilisation des insecticides soulève aussi des inquiétudes quant à leur impact sur les espèces non ciblées comme les abeilles, ou leur effet indirect sur les oiseaux, qui mangent beaucoup d’insectes.
Les scientifiques qui étudient les insectes et leur adaptation aux pesticides découvrent que certains insecticides peuvent rendre les ravageurs plus forts ou que la plante elle-même pourrait même être davantage attaquée par d’autres ravageurs. Trouver des solutions est important à la fois pour préserver la biodiversité et l’agriculture.
Lorsqu’un agriculteur utilise des insecticides, il est conscient des effets bénéfiques sur ses champs mais il doit aussi être conscient des impacts négatifs potentiels.
Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort
Un pesticide peut provoquer une résurgence du ravageur cible dans les jours, les semaines ou les mois qui suivent son application. Les insecticides doivent être appliqués à des concentrations létales et parfois plusieurs fois au cours du cycle de vie du ravageur pour être pleinement efficaces.
A des concentrations sublétales, un pesticide peut, en effet, augmenter la fécondité ou la longévité de certains ravageurs. Par exemple, lorsque l’imidaclopride (une neurotoxine pour insectes de la famille des néonicotinoïdes) est appliquée à des concentrations sublétales, elle peut doubler le taux de reproduction du puceron vert du pêcher.
Pire encore, une application sublétale de pesticide peut rapidement conduire à l’émergence d’une résistance aux insecticides. La résistance aux pesticides rend ces produits chimiques inutiles, voire nuisibles. C’est le cas de la souche de charançon du maïs résistante aux insecticides, qui a multiplié sa population par 5,4 lorsqu’elle a été traitée par un insecticide pyréthroïde appelé deltaméthrine.
Des épidémies à répétition
Les insecticides peuvent être sélectifs – ciblant un insecte particulier – ou agir sur une gamme de ravageurs (large spectre). Les insecticides à large spectre sont largement utilisés, mais peuvent avoir des effets indésirables préjudiciables tels que la perturbation des ennemis naturels d’un ravageur.
Dans ces cas, quelques semaines après l’application du pesticide, le même ravageur réapparaît dans le champ (résurgence du ravageur primaire) ou une épidémie d’un autre ravageur se produit (résurgence du ravageur secondaire). Ces phénomènes ont été identifiés sur de nombreuses cultures, dont le soja, la pomme de terre et bien d’autres, mais ils sont difficiles à étudier car de nombreux facteurs différents sont impliqués.
Certains chercheurs ont estimé qu’un traitement pesticide en début de saison sur le coton contre les punaises lygus peut ajouter 6 dollars par acre pour une application pesticide ultérieure en fin de saison, car les ennemis naturels du ravageur sont épuisés.
La plante sensible
Certains fabricants de pesticides enrobent maintenant les graines des plantes avec un pesticide, de sorte que les plantes absorbent le pesticide dans leurs organes et deviennent toxiques pour les parasites agricoles. Cette méthode est devenue très populaire pour protéger les plantes annuelles comme le blé, le soja ou le maïs.
Mais lorsqu’une plante devient résistante à certains parasites, elle peut aussi devenir plus sensible à d’autres. L’exemple le mieux documenté est l’utilisation de néonicotinoïdes sur le coton, le maïs et la tomate, et la montée des épidémies de tétranyques à deux points. Les tétranyques ne sont pas sensibles aux néonicotinoïdes et prospèrent beaucoup plus sur ces cultures par rapport aux cultures non traitées.
Sans aucun doute, les pesticides contribuent positivement à une production agricole élevée et stable dans notre modèle agricole actuel et donc dans nos vies. D’autre part, il existe des options non chimiques qui peuvent être utilisées comme alternatives ou en plus des pesticides.
Alternatives aux insecticides
Il existe des possibilités de réduire l’utilisation des pesticides, et les scientifiques, comme moi, travaillent sur de nombreuses alternatives durables. Une étude récente a mis en évidence que 78 % des néonicotinoïdes utilisés en agriculture pourraient être remplacés par une gestion non chimique des ravageurs. Parmi beaucoup d’autres, une initiative étonnante en Allemagne appelée Jena rassemble des chercheurs pour voir si le fait d’apporter plus de diversité végétale dans les champs augmente la résilience par rapport à nos systèmes agricoles monoculturels.
Plusieurs nouvelles technologies sont en cours de développement et pourraient aider à réduire l’utilisation des pesticides. Par exemple, des caméras peuvent détecter les substances chimiques volatiles libérées par les plantes lors d’une invasion de parasites. Ces signaux d’alerte peuvent aider les agriculteurs à détecter les parasites plus tôt et conduire à un traitement plus efficace.
Les biotechnologies peuvent également aider. Les cultures génétiquement modifiées n’ont pas été largement acceptées par le public, mais de nouvelles techniques telles que CRISPR-Cas9 – un outil génétique précis capable de modifier de petites parties du génome – peuvent, si elles sont utilisées à bon escient, être d’une valeur inestimable pour une agriculture plus durable et moins dépendante des pesticides. Par exemple, une plante peut être conçue pour attirer les ennemis naturels en émettant des composés volatils, ce qui la protège contre certains ravageurs.
Dans le modèle agricole actuel, les pesticides sont presque indispensables pour fournir une nourriture suffisante à la population mondiale. Mais il existe des alternatives, et acheter des aliments provenant d’agriculteurs qui ont arrêté ou limité l’utilisation de pesticides est une façon de soutenir une transition agricole sans pesticides.