Dans un article très intéressant, la société pharmaceutique néerlandaise NeuroSearch, en collaboration avec la société de recherche canadienne Kendle Early Stage, rapporte les effets subjectifs et objectifs du nouvel inhibiteur triple de recapture Tesofensine chez les utilisateurs récréatifs de stimulants.
La tesofensine est un médicament que NeuroSearch développe pour l’obésité, et ils rapportent qu’il a montré d’excellentes propriétés d’induction de perte de poids dans les premiers essais cliniques, bien que bien sûr ils diraient cela. Ce qui rend le « tes-fens » si intéressant, c’est son mode d’action : c’est un triple inhibiteur de la recapture ou SNDRI, qui agit sur trois neurotransmetteurs : la sérotonine, la dopamine et la noradrénaline. Le seul médicament de cette classe en usage courant est, euh, la cocaïne. Comme vous pouvez le voir, les deux drogues sont chimiquement assez similaires.
Les SNDRI expérimentaux sont très en vogue en ce moment. On espère qu’ils pourraient être des traitements efficaces contre l’obésité, la dépression, et qui sait quoi encore. Les IRSN, qui inhibent la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline mais pas de la dopamine, sont bien connus comme antidépresseurs (par exemple la venlafaxine alias Effexor) et comme médicaments pour la perte de poids (sibutramine). On pense que si deux monoamines sont bonnes, trois doivent être encore meilleures.
Mais le problème est que les médicaments qui inhibent la recapture de la dopamine sont des stimulants puissants ayant la capacité de vous faire planer comme un cerf-volant. Ou pour le dire techniquement, elles « ont un fort potentiel d’abus ». Les plus connus sont l’amphétamine, la méthamphétamine et, oui, la cocaïne. Voici une bande dessinée de Mickey Mouse de 1951 montrant ce que fait l’amphétamine…
C’est pourquoi ce nouvel article est si intéressant. Les auteurs ont donné de la tesofensine, à différentes doses, à 52 volontaires, tous utilisateurs récréatifs de stimulants illégaux : l’idée étant que ces personnes expérimentées sont les mieux placées pour pouvoir vous dire si une certaine drogue est un stimulant abusif ou non. Ce qui semble être une excellente idée.
Que s’est-il passé ? Pas grand chose : de l’avis des juges experts, une dose unique de tesofensine à 1, 6 ou 9 mg, c’est un lavage complet, mec. 1 mg n’a eu aucun effet notable par rapport au placebo. 6 mg et 9 mg en ont eu, mais ils n’ont pas été perçus comme agréables ou comme semblables à ceux de l’amphétamine ; au contraire, ils ont été légèrement désagréables.
En revanche, les volontaires ont vraiment aimé 30 mg de d-amphétamine – ce n’est pas une surprise – mais ils n’ont pas aimé l’antidépresseur bupropion, ni l’atomoxétine, un médicament contre le TDAH. Tout était en double aveugle, d’ailleurs, et le fait qu’il n’y avait pas un mais trois médicaments de comparaison, ainsi qu’un placebo inerte, signifie que cette étude aura évité les effets placebo actifs.
Aucun événement indésirable grave n’est survenu, mais les doses plus élevées de tesofensine ont augmenté la pression sanguine et provoqué des insomnies. Gardez à l’esprit que pour l’obésité, la dose la plus faible, 1 mg, semble être la plus prometteuse et que cette dose n’a pas provoqué beaucoup d’effets secondaires. Dans l’ensemble, ces résultats semblent assez convaincants : la tesofensine n’est pas amusante.
Pourquoi pas, étant donné qu’elle est si similaire à la cocaïne ? La réponse est presque certainement qu’elle est tout simplement trop lente. Après l’avoir prise par voie orale, il faut 5 à 8 h pour que les niveaux sanguins atteignent leur pic, et elle persiste dans le corps pendant des semaines (demi-vie de ~220 h.) Avec la cocaïne, si vous la sniffez, le pic sanguin est atteint en quelques minutes et la demi-vie est inférieure à une heure.
En général, plus une drogue passe rapidement dans le sang, plus elle est agréable : c’est pourquoi les gens ont tendance à sniffer, fumer et injecter les drogues récréatives, plutôt que de les avaler. Le crack est la même drogue que la cocaïne normale, mais il peut être fumé, ce qui est encore plus rapide que de le renifler. Par rapport aux drogues d’abus, la tesofensine est ridiculement lente à entrer et à sortir du corps.
Mais cela soulève la question de savoir si, avec un usage répété, les niveaux pourraient s’accumuler et produire des effets très différents de ceux observés dans cette étude, qui n’a utilisé qu’une seule dose. Il a une demi-vie de 220 heures, ce qui signifie que 9 jours après en avoir pris, la moitié est encore dans le sang ! Dans les essais sur l’obésité, il a été administré à une dose allant jusqu’à 1 mg par jour. Il est peu probable que cela lui confère un potentiel d’abus en soi, mais cela pourrait entraîner de nombreux effets secondaires à terme. Nous devrons juste attendre et voir …
Schoedel, K., Meier, D., Chakraborty, B., Manniche, P., &Sellers, E. (2010). Effets subjectifs et objectifs du nouvel inhibiteur triple de la recapture Tesofensine chez les utilisateurs récréatifs de stimulants. Pharmacologie clinique & Therapeutics, 88 (1), 69-78. DOI: 10.1038/clpt.2010.67