La France napoléonienne acquiert la Louisiane
Le 1er octobre 1800, moins de 24 heures après avoir signé un accord de paix avec les États-Unis, le Premier consul de la République française Napoléon Bonaparte,acquiert la Louisiane de l’Espagne par le traité secret de San Ildefonso. À la grande déception des États-Unis, Napoléon détient le titre de propriété du fleuve Mississippi et du port de La Nouvelle-Orléans.
Avec la signature du traité de San Ildefonso, Napoléon cherche à établir un empire maritime et colonial français étendu aux Antilles et à la vallée du Mississippi. Il prévoit de développer un bloc commercial dans le bassin des Caraïbes, composé des îles antillaises stratégiquement importantes de la Guadeloupe, de la Martinique et de Saint Domingue, qui seront à leur tour reliées à la Louisiane. La France exporte des produits manufacturés vers les îles, dont les plantations produisent du sucre, de la mélasse, du rhum, du café et du coton pour la France. La farine, le bois et la viande salée de la Louisiane soutiendront les troupes françaises stationnées dans les Antilles. En outre, les marchandises françaises devraient trouver un marché facile à la Nouvelle-Orléans, un tremplin pour les colons de la vallée du Mississippi.
Pour compléter sa présence impériale dans la région, Napoléon a l’intention de faire pression sur l’Espagne pour qu’elle cède les Florides à la France. Anticipant apparemment le succès de son plan, il commande la frappe de 200 exemplaires d’un médaillon à son effigie pour les distribuer aux chefs amérindiens dans un geste de diplomatie populaire. Le plan de Napoléon n’a pas abouti.
Le principal obstacle aux plans de Napoléon pour un empire nord-américain se trouvait à Saint Domingue, la ressource commerciale la plus précieuse de la France dans les Caraïbes et la porte d’entrée des approches du Golfe en Louisiane. En 1791, les esclaves de l’île, inspirés par la révolution française, se révoltent sous la direction de Toussaint L’Ouverture. Après plusieurs années de conflit féroce, L’Ouverture et son armée d’anciens esclaves avaient chassé les forces coloniales de l’île.
Parce que Napoléon n’avait pas assez de troupes pour reconquérir Saint Domingue et occuper la Louisiane simultanément, il décida d’abord de soumettre les esclaves rebelleset de rétablir l’autorité française sur Saint Domingue. Au cours de l’automne et de l’hiver 1801, il envoya à Saint Domingue une armée de 20 000 hommes sous les ordres de son beau-frère, le général Charles Victor Emmanuel Leclerc. Toussaint se rendit à Leclerc en trois mois. Napoléon rassemble également une expédition à un port hollandais durant l’hiver 1802-03 pour renforcer l’armée de Leclerc et, avecSaint Domingue comme base d’opérations, prend possession de la Louisiane.
« Il n’y a sur le globe qu’un seul point »
Les rumeurs de la rétrocession secrète de la Louisiane de l’Espagne à la France suscitent l’inquiétude dans la ville de Washington. En mai 1801, le ministre américain en Grande-Bretagne, Rufus King, avait informé le président Thomas Jefferson avec une certaine certitude de la transaction, un événement qui, selon Jefferson, était une circonstance fâcheuse pour tous. 10 Douloureusement conscient des difficultés potentielles d’avoir la France napoléonienne comme voisine, Jefferson informe William C. C. Claiborne, gouverneur du territoire du Mississippi, qu’il considère la « possession espagnole du pays adjacent comme la plus favorable à nos intérêts, &et qu’il verrait, avec une extrême douleur, toute autre nation leur être substituée. Si la France prenait possession de ce pays, nous aurions plus à le déplorer qu’à y remédier ¦ ». 11 En novembre 1801, le secrétaire d’État James Madison reçoit de l’ambassadeur King une copie du traité de SanIldefonso, confirmant la transaction diplomatique précédemment niée par la France.
Au cours de plusieurs années, le président Thomas Jefferson se prépare à gérer une présence française imminente dans la vallée du Mississippi et la première grande crise diplomatique de son administration. Jefferson était probablement le plus grand penseur géographique d’Amérique et un étudiant de l’Ouest américain. La détresse des fermiers de l’Ouest suscite son empathie et son soutien. Il est également un ami de longue date de la France ; son séjour en tant qu’ambassadeur à Paris (1784-89) l’a familiarisé avec la diplomatie et la politique françaises. Vétéran politique de la Révolution américaine, Jefferson était aussi un anglophobe.
Au début de 1802, les événements en Europe conduisirent Jefferson à réévaluer et à reformuler les relations américaines avec la France, notamment à la lumière de son intention d’occuper le fleuve Mississippi et le port de la Nouvelle-Orléans. Une guerre entre la France et la Grande-Bretagne est attendue. Jefferson réalise que si la France revendique la Louisiane, la Grande-Bretagne tentera de capturer et d’occuper la région. Dans une lettre du 18 avril 1802 au ministre Robert R. Livingston, Jefferson révèle que la perspective d’une guerre potentielle avec la France et la conséquence désagréable d’une alliance avec la Grande-Bretagne renversent complètement toutes les relations politiques des États-Unis.
Jefferson et le secrétaire d’État James Madison avaient espéré façonner une politique étrangère favorable aux intérêts français. Ils désapprouvent le soulèvement des esclaves à Saint-Domingue et laissent entendre par voie diplomatique que les États-Unis pourraient aider la France à soumettre L’Ouverture. Ils nomment le pro-français Robert R. Livingston comme ministre américain à Paris. En mai 1802Madison charge Livingston de négocier l’achat de la Nouvelle-Orléans.Livingston est également chargé de vérifier si la cession inclut la Floride orientale et la Floride occidentale, et, si c’est le cas, de négocier un prix pour les acquérir,ou au moins le droit de navigation et de dépôt sur l’une des rivières se jetant dans le Golfe.
10. Thomas Jefferson à Thomas Mann Randolph, Jr, WashingtonCity, 14 mai 1801, Thomas Jefferson Papers, Library of Congress. (Retour au texte)
11. Thomas Jefferson à William C. C. Claiborne, WashingtonCity, 13 juillet 1801, dossier Thomas Jefferson, Bibliothèque du Congrès. (Retour au texte)
Voir l’essai complet (PDF). (1.8 Mb)