Cyanose
La cyanose désigne une couleur bleue de la peau et des muqueuses due à des concentrations excessives d’hémoglobine réduite dans le sang capillaire. La teneur en oxygène du sang capillaire est supposée être à mi-chemin entre celle du sang artériel et celle du sang veineux. Les zones présentant un débit sanguin élevé et une faible différence d’oxygène artério-veineux (par exemple, la langue et les muqueuses) ne se cyanoseront pas aussi facilement que celles présentant un faible débit sanguin et une grande différence d’oxygène artério-veineux (par exemple, la peau des mains et des pieds froids). On distingue donc la cyanose périphérique (acrocyanose), qui se limite à la peau des extrémités, et la cyanose centrale, qui inclut la langue et les muqueuses. La cyanose circumorale n’est pas une expression de la cyanose centrale et est rarement pathologique. La concentration absolue d’hémoglobine réduite dans les capillaires qui est nécessaire pour produire une cyanose se situe entre 4 et 6 g/100 ml de sang. Ce niveau est généralement présent lorsque la concentration d’hémoglobine réduite dans le sang artériel dépasse 3 g/100 ml. La cyanose clinique se produira à différents niveaux de saturation artérielle en oxygène, selon la quantité d’hémoglobine totale (Fig. 1.13).
Physiologiquement, cinq mécanismes peuvent provoquer une désaturation de l’hémoglobine artérielle chez le patient qui respire l’air ambiant à une altitude normale : (1) l’hypoventilation alvéolaire, (2) l’altération de la diffusion, (3) le shunt droite-gauche, (4) l’inadéquation entre la ventilation et la perfusion, et (5) le transport inadéquat de l’oxygène par l’hémoglobine. D’un point de vue clinique, le trouble de la diffusion est peu important en tant que cause unique. Le déséquilibre de la ventilation et de la perfusion est de loin le mécanisme le plus courant et peut être corrigé par l’administration d’oxygène à 100 %. Le médecin doit donc rechercher une modification de la cyanose pendant que le patient respire de l’oxygène.
On a constaté que la concordance entre les observateurs concernant la cyanose allait de faible lors de l’évaluation de l’acrocyanose à très bonne lors de l’évaluation de jeunes enfants atteints de bronchiolite. Pour minimiser la variabilité de ce résultat, il est préférable d’observer la cyanose à la lumière du jour et avec le patient se reposant dans une pièce confortablement chaude. La distribution de la cyanose et l’état de la perfusion périphérique doivent être notés. Les patients ayant un débit cardiaque réduit et une mauvaise perfusion périphérique peuvent être cyanosés malgré une saturation artérielle en hémoglobine normale. Certains patients peuvent devenir cyanosés uniquement pendant l’exercice, une réaction courante lorsque la maladie pulmonaire restrictive réduit le lit capillaire pulmonaire et que le temps de transit des érythrocytes devient trop court pour permettre une saturation complète pendant les épisodes d’augmentation du débit cardiaque. Les cardiopathies congénitales des nourrissons peuvent entraîner une cyanose différentielle, qui n’affecte que la partie inférieure du corps (par exemple, chez les patients présentant une coarctation préductale de l’aorte). Plus rarement, seule la partie supérieure du corps est cyanosée (par exemple, chez les patients présentant une transposition des grandes artères en association avec un canal artériel persistant et un shunt pulmonaire-aortique).
L’impression clinique de cyanose est généralement confirmée par une analyse des gaz du sang artériel ou, plus fréquemment, par une oxymétrie de pouls. L’oxymétrie de pouls, cependant, ne tiendra pas compte de la présence d’une hémoglobine anormale. Par exemple, en cas de méthémoglobinémie, la capacité du sang à transporter l’oxygène est réduite et les patients peuvent apparaître bleu lavande, mais l’oxymétrie de pouls peut surestimer la saturation en oxygène du sang artériel (SaO2). Le sang des nouveau-nés, à l’inverse, peut être bien saturé et ne pas être cyanosé à des tensions artérielles en oxygène plus faibles, en raison de la courbe de liaison à l’oxygène différente de l’hémoglobine fœtale. Chez le patient hypoxémique qui ne présente pas de cyanose (par exemple, le patient anémique), le médecin doit prêter une attention particulière aux autres signes et symptômes cliniques de l’hypoxie. Il s’agit notamment de la tachypnée et de la tachycardie, de la dyspnée d’effort, de l’hypertension, des céphalées et des changements de comportement. Dans le cas d’une hypoxie plus sévère, il peut y avoir des troubles de la vue, une somnolence, une hypotension et finalement un coma. En outre, le patient peut présenter un taux élevé de dioxyde de carbone. Selon la rapidité et l’ampleur de l’élévation du taux de dioxyde de carbone, les signes cliniques de l’hypercarbie reflèteront en grande partie la dilatation vasculaire. Ces signes comprennent des mains et des pieds chauds et rougis, des pouls bondissants, une confusion ou une somnolence, des contractions musculaires, des veines rétiniennes engorgées et, dans les cas les plus graves, un œdème papillaire et un coma.