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Sous les princes-évêques

En 1516, un changement s’est produit dans la constitution du Monténégro que de nombreux historiens considèrent comme ayant assuré sa survie en tant qu’État indépendant. Le dernier de la dynastie des Crnojević se retira à Venise et conféra la succession aux évêques de Cetinje. Auparavant, la loyauté des chefs mineurs et de la paysannerie envers leurs souverains avait été instable. Il n’était pas rare que, dans l’ensemble des Balkans, le contrôle politique passe des souverains slaves aux Turcs ottomans, non pas en raison de la défaite des premiers au combat, mais parce que les magnats locaux ne parvenaient pas à s’assurer le soutien de leurs sujets. Au Monténégro, la position de vladika, comme on appelait le prince-évêque, a apporté la stabilité à la direction du territoire. Le lien entre l’église et l’État l’élevait aux yeux de la paysannerie, institutionnalisait une forme de succession et excluait la possibilité d’alliances compromettantes avec les Turcs.

Néanmoins, cette période fut difficile pour le petit Monténégro, alors enclavé, qui était presque constamment en guerre avec l’Empire ottoman. Cetinje lui-même a été capturé en 1623, en 1687, et à nouveau en 1712. Trois facteurs expliquent l’échec des Ottomans à le soumettre complètement : la résistance obstinée de la population, le caractère inhospitalier du terrain (sur lequel on disait qu' »une petite armée est battue, une grande meurt de faim »), et l’utilisation adroite des liens diplomatiques avec Venise.

De 1519 à 1696, le poste de vladika était électif, mais cette dernière année, Danilo Nikola Petrović fut élu à ce poste (sous le nom de Danilo Ier) avec la nouvelle disposition de pouvoir désigner son propre successeur. Bien que le clergé orthodoxe oriental soit généralement autorisé à se marier, les évêques sont tenus d’être célibataires ; par conséquent, Danilo transmet sa charge à son neveu, établissant une tradition qui durera jusqu’en 1852.

Deux changements importants se produisent dans le contexte européen plus large pour le Monténégro pendant le règne de Danilo : l’expansion du territoire ottoman est progressivement inversée, et le Monténégro trouve en Russie un nouveau patron puissant pour remplacer Venise sur le déclin. Le reflux de la marée ottomane s’est avéré significatif pour l’identité religieuse monténégrine, qui semble avoir été particulièrement instable tout au long du XVIIIe siècle. Malgré l’établissement d’un régime théocratique orthodoxe et le massacre apocryphe de ceux qui s’étaient convertis à l’Islam (les « Vêpres monténégrines » de la veille de Noël 1702), il existe des preuves contestées que les lignées monténégrines ont évolué de manière très fluide non seulement entre les religions catholique et musulmane, mais aussi entre l’identité monténégrine et albanaise. Il semble que, compte tenu de l’incertitude quant aux détenteurs du pouvoir dans la région, la diversité était souvent considérée comme une sorte de police d’assurance collective. L’identité orthodoxe du Monténégro s’est toutefois progressivement stabilisée à mesure que la puissance ottomane déclinait. Le catholicisme romain a conservé une emprise dans la région, et ce n’est qu’à l’époque moderne que les catholiques monténégrins se sont identifiés comme des Croates.

Le remplacement de Venise par le patronage russe a été particulièrement significatif, puisqu’il a apporté une aide financière (après que Danilo Ier ait rendu visite à Pierre le Grand en 1715), un gain territorial modeste et la reconnaissance officielle en 1799 par la Porte ottomane de l’indépendance du Monténégro en tant qu’État sous le vladika Petar Petrović Njegoš (Pierre Ier). Le soutien russe au Congrès de Vienne en 1815, après la défaite finale de l’empereur français Napoléon Ier, n’a pas permis d’assurer au Monténégro un débouché sur la mer, même si les Monténégrins avaient participé à la prise du golfe de Kotor aux forces françaises en 1806.

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