Le dosage rénal de l’allopurinol entraîne une prise en charge sous-optimale de la goutte | Annals of the Rheumatic Diseases

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Nous félicitons les auteurs de la  » mise à jour 2016 des recommandations fondées sur les preuves de l’EULAR pour la prise en charge de la goutte  » pour avoir préconisé de commencer l’allopurinol à une dose plus faible chez les patients ayant une fonction rénale normale1. Plus précisément, il s’agit d’une approche permettant de réduire potentiellement le risque de précipitation des poussées de goutte au début de la réduction de l’urate, ainsi que le risque de réactions cutanées sévères (SCAR) par rapport à des doses initiales plus élevées d’allopurinol2. Cependant, nous notons que les auteurs ne fournissent pas de recommandation sur la dose initiale pour les patients atteints d’insuffisance rénale, le groupe de patients le plus susceptible de bénéficier d’une dose initiale d’allopurinol beaucoup plus faible.2

De plus, la recommandation #9,i qui préconise de limiter la dose maximale d’allopurinol en fonction de la clairance de la créatinine (CrCL), est préoccupante. Il est bien documenté qu’une telle pratique entraîne une prise en charge sous-optimale de l’hyperuricémie chez la majorité des patients souffrant de goutte.3 L’adhésion à la posologie de l’allopurinol basée sur la clairance de la créatinine a été un facteur majeur contribuant au sous-traitement de la goutte depuis que ce schéma a été publié en 1984.4 Les auteurs reconnaissent qu’il existe des données en faveur d’une augmentation prudente de la dose chez les personnes souffrant d’insuffisance rénale,5,6 mais déclarent ensuite que la faible incidence de SCAR rend difficile la quantification de ce risque et déconseillent donc une approche d’augmentation de la dose. Le syndrome d’hypersensibilité à l’allopurinol/SCAR survient tôt après le début du traitement par l’allopurinol.2 ,7 Bien que l’insuffisance rénale soit un facteur de risque majeur pour le syndrome d’hypersensibilité à l’allopurinol/SCAR, rien ne prouve qu’une restriction à long terme de la dose d’allopurinol en fonction de la LCR diminue ce risque chez les patients qui tolèrent de faibles doses initiales d’allopurinol.8 L’approche préconisée par le groupe d’experts de la Ligue européenne contre le rhumatisme pourrait conduire à une situation clinique où les patients seraient exposés aux risques potentiels de l’allopurinol, sans bénéficier des avantages obtenus par une augmentation prudente de la dose pour atteindre la cible d’urate sérique. En se concentrant sur la dose maximale d’allopurinol plutôt que sur la dose de départ chez les patients atteints de dysfonctionnement rénal, un point de sécurité important a été omis et cela peut renforcer par inadvertance les craintes des décennies précédentes concernant l’utilisation de l’allopurinol chez les patients atteints de dysfonctionnement rénal, alors que des données plus récentes5 ont montré que l’allopurinol peut être utilisé en toute sécurité chez les patients atteints d’insuffisance rénale.

La recommandation n°9 est également susceptible de réduire la qualité des soins pour les nombreuses personnes atteintes de goutte dans les régions ayant un accès limité aux traitements hypokaliémiants autres que l’allopurinol. De plus, recommander le fébuxostat si l’allopurinol à dose rénale est insuffisant pour le traitement de la goutte soulève des inquiétudes potentielles pour les patients souffrant d’insuffisance rénale. Les études examinant la sécurité et l’efficacité du fébuxostat chez les personnes souffrant de goutte et d’insuffisance rénale comorbide ont été rares : 266 sujets atteints d’insuffisance rénale chronique (IRC) au stade 3 ont été randomisés avec le fébuxostat dans l’essai clinique CONFIRMS10, et seulement 19 sujets atteints d’IRC au stade 4 ont été randomisés avec le fébuxostat dans un autre essai récent11. Ce point est important, car le fébuxostat lui-même a été associé à des SCAR, y compris chez des patients présentant une insuffisance rénale et/ou une hypersensibilité antérieure à l’allopurinol, ce qui a conduit l’Agence médicale européenne et Santé Canada à émettre des mises en garde à ce sujet12. Le manque de clarté dans la gestion optimale de l’hyperuricémie chez les patients souffrant de goutte et d’insuffisance rénale aurait également dû être considéré comme un sujet important pour les recherches futures. Étant donné que près de la moitié des personnes atteintes de goutte souffrent d’une IRC modérée à sévère et que les options thérapeutiques disponibles dans ce contexte sont limitées, une lacune importante dans les connaissances et un besoin non satisfait demeurent les moyens optimaux de gérer ces présentations difficiles. Nous reconnaissons qu’une étude de grande envergure et bien conçue sera probablement nécessaire, compte tenu de la faible incidence des réactions au syndrome d’hypersensibilité à l’allopurinol (SHA)/SCAR. Néanmoins, recommander une posologie de l’allopurinol basée sur le CrCL en l’absence de preuves pour soutenir cette pratique n’améliorera pas la prise en charge historiquement médiocre de la goutte chez les patients atteints de maladies rénales.

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