Pierre le Grand (1672 – 1725) était un homme difficile à énerver. Figure transformatrice de l’histoire russe, Pierre était plus grand que nature, au sens figuré comme au sens propre – il mesurait 1,80 m, ce qui ferait de lui un homme d’une taille peu commune aujourd’hui, et qui en faisait un véritable géant à son époque. Il est surtout connu pour avoir pris en main une Russie arriérée, et l’avoir tirée – souvent à coups de pieds et de cris – de l’ornière médiévale dans laquelle il l’avait trouvée, pour la faire entrer dans le courant dominant de la culture européenne.
Un homme qui allait à fond dans la vie, Pierre ne semblait pas comprendre le concept de demi-mesure et de modération dans tout ce qu’il faisait. Cela s’étendait à ses rancunes et à sa vindicte, que Pierre poussait à l’extrême, comme il le faisait pour tout le reste de sa vie. Le traitement réservé par Pierre à Willem Mons, que l’on disait être l’amant de sa femme, en est un bon exemple. L’empereur a fait décapiter Mons, puis aurait fait mariner la tête dans de l’alcool et l’aurait placée dans la chambre de sa femme.
Pierre, Catherine et la famille Mons
Pierre entre pour la première fois en contact avec la famille Mons en 1691, lors d’une de ses fréquentes visites dans le quartier allemand de Moscou. Il y rencontre Anna Mons, la fille d’un marchand de vin hollandais, dont il tombe éperdument amoureux. Anna est devenue la maîtresse de Pierre pendant de longues années et la fortune de sa famille s’est accrue, car elle est passée du statut de roturier à celui d’élite de la Russie. Sa sœur Matryona est mariée à un général de division et gouverneur de Riga, tandis que son frère cadet, Willem Mons, devient le secrétaire personnel de la future épouse de Pierre, Catherine I.
Pendant un temps, surtout après que Pierre se soit aigri avec sa femme de l’époque, Eudoxia Lopukhina, il semblait qu’Anna allait épouser Pierre et devenir la prochaine impératrice russe. Anna devient la maîtresse royale quasi officielle de l’empereur, qui la couvre de cadeaux et de domaines, dont 295 fermes et un manoir à Moscou. Cependant, après douze ans, Pierre commence à se désintéresser d’Anna. Elle tente alors de raviver son affection en le rendant jaloux, et commence à flirter avec l’ambassadeur de Prusse.
Cela se retourne contre lui lorsque l’ambassadeur, inconscient de son statut d’accessoire dans les machinations d’Anna, lui propose le mariage. Pierre, plutôt que de redécouvrir son affection pour Anna, entra dans une colère noire. Il confisque les domaines qu’il lui avait offerts et la place en résidence surveillée, ainsi que sa mère, sa sœur et des dizaines de ses amis. Pierre finit par céder, libère Anna et celles qu’il avait arrêtées à ses côtés, et permet à sa désormais ancienne maîtresse d’épouser son prétendant prussien.
En attendant, Pierre était tombé amoureux d’une autre roturière, une servante polono-lituanienne et fille de paysan, ou fossoyeur, ou homme à tout faire, ou serf en fuite, selon les sources. Quelle que soit la profession de son père, Pierre l’épouse en 1707 et fait d’elle son impératrice, Catherine Ier. Entre-temps, la sœur d’Anna Mons, Matryona, ne tarde pas, après sa libération de l’assignation à résidence, à se rapprocher de la nouvelle impératrice et devient rapidement la confidente de Catherine et l’une de ses meilleures amies. Matryona a fait un bon mot pour son frère, Willem.
Le troisième frère Mons, Willem Mons (1688 – 1724), avait combattu pour Pierre à la bataille de Poltava en 1709, et n’avait pas trop souffert de la chute de la sœur de son aîné en tant que maîtresse de Pierre. Lorsque son autre sœur, Matryona, l’a présenté à la nouvelle impératrice, Willem a fait bonne impression sur Catherine, et avec son soutien, il a obtenu une promotion et a été chargé de gérer de nombreux domaines de Pierre. Il devient également le secrétaire personnel de Catherine et commence à l’accompagner dans ses voyages à l’étranger. Son ascension rapide a suscité la jalousie de nombreuses élites russes.
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