Appréciation de la musique 1

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Musique du haut Moyen Âge (1150-1300)

Ars Antiqua

Manuscrit médiéval de la Partitura de "Alleluia Nativitas"

La floraison de l’école de polyphonie de Notre Dame d’environ 1150 à 1250 correspond aux réalisations tout aussi impressionnantes de l’architecture gothique : En effet, le centre d’activité se trouvait à la cathédrale de Notre-Dame elle-même. La musique de cette période est parfois appelée l’école parisienne, ou organum parisien, et représente le début de ce que l’on appelle conventionnellement l’Ars antiqua. C’est la période où la notation rythmique est apparue pour la première fois dans la musique occidentale, principalement une méthode de notation rythmique basée sur le contexte, connue sous le nom de modes rythmiques.

C’est aussi la période où se sont développés des concepts de structure formelle attentifs aux proportions, à la texture et à l’effet architectural. Les compositeurs de l’époque alternent l’organum floride et discant (plus de note contre note, par opposition à la succession de mélismes de plusieurs notes contre des notes longtemps tenues que l’on trouve dans le type floride), et créent plusieurs nouvelles formes musicales :Les clausulae, qui étaient des sections mélismatiques d’organa extraites et agrémentées de nouveaux mots et d’une élaboration musicale plus poussée ; les conductus, qui étaient des chants pour une ou plusieurs voix devant être chantés rythmiquement, très probablement dans une sorte de procession ; et les tropes, qui étaient des ajouts de nouveaux mots et parfois de nouvelle musique à des sections de chants plus anciens. Tous ces genres, à l’exception d’un seul, étaient basés sur le chant, c’est-à-dire qu’une des voix (généralement trois, mais parfois quatre), presque toujours la plus grave (le ténor en l’occurrence), chantait une mélodie de chant, avec des longueurs de notes librement composées, sur laquelle les autres voix chantaient l’organum. L’exception à cette méthode était le conductus, une composition à deux voix qui était librement composée dans son intégralité.

Le motet, l’une des formes musicales les plus importantes du haut Moyen Âge et de la Renaissance, s’est développé initialement au cours de la période Notre-Dame à partir de la clausule, en particulier la forme utilisant plusieurs voix telle qu’élaborée par Pérotin, qui a ouvert la voie à cette dernière notamment en remplaçant un grand nombre des longues clausules florides de son prédécesseur (en tant que chanoine de la cathédrale) Léonin par des substituts dans un style discant. Peu à peu, il y eut des livres entiers de ces substituts, que l’on pouvait insérer dans les différents chants. Comme il y en avait en fait plus qu’il n’était possible d’en utiliser dans le contexte, il est probable que les clausules ont fini par être exécutées indépendamment, soit dans d’autres parties de la messe, soit dans des dévotions privées. Les clausules, ainsi pratiquées, devinrent le motet lorsqu’elles furent tropées avec des mots non liturgiques, et furent encore développées en une forme de grande élaboration, sophistication et subtilité au quatorzième siècle, période de l’Ars nova.

Les manuscrits survivants de cette époque comprennent le Codex de Montpellier, le Codex de Bamberg et le Codex de Las Huelgas.

Les compositeurs de cette époque comprennent Léonin, Pérotin, W. de Wycombe, Adam de St. Victor et Petrus de Cruce (Pierre de la Croix). C’est à Petrus que l’on doit l’innovation consistant à écrire plus de trois semibrèves pour s’adapter à la longueur d’une breve. Précédant l’innovation du tempus imparfait, cette pratique a inauguré l’ère de ce que l’on appelle aujourd’hui les motets « pétroniens ». Ces œuvres de la fin du XIIIe siècle sont composées de trois ou quatre parties et comportent plusieurs textes chantés simultanément. À l’origine, la ligne du ténor (du latin tenere, « tenir ») contenait une ligne de chant liturgique préexistante en latin original, tandis que le texte de la ou des voix supérieures, appelées voces organales, commentait le sujet liturgique en latin ou en français vernaculaire. Les valeurs rythmiques des voces organales diminuaient à mesure que les parties se multipliaient, le duplum (la partie au-dessus du ténor) ayant des valeurs rythmiques inférieures à celles du ténor, le triplum (la ligne au-dessus du duplum) ayant des valeurs rythmiques inférieures à celles du duplum, et ainsi de suite. Au fil du temps, les textes des voces organales sont devenus de plus en plus séculiers et avaient de moins en moins de lien manifeste avec le texte liturgique de la ligne de ténor.

Le motet pétronien est un genre très complexe, étant donné son mélange de plusieurs brèves semibrèves avec des modes rythmiques et parfois (de plus en plus fréquemment) la substitution de chansons séculaires au chant dans le ténor. En effet, la complexité rythmique toujours croissante sera une caractéristique fondamentale du XIVe siècle, bien que la musique en France, en Italie et en Angleterre prenne des chemins assez différents à cette époque.

Cantigas de Santa Maria

Illustration d'un codex Cantigas de Santa Maria montrant deux joueurs d'anche

Illustration d’un manuscrit Cantigas de Santa Maria

Les Cantigas de Santa Maria (« Cantiques de Sainte Marie ») sont 420 poèmes avec notation musicale, écrits en galicien-portugais sous le règne d’Alphonse X El Sabio (1221-1284) et souvent attribués à ce dernier.

C’est l’un des plus grands recueils de chants monophoniques (solo) du Moyen Âge et il se caractérise par la mention de la Vierge Marie dans chaque chant, tandis qu’un chant sur dix est un hymne.

Les manuscrits ont survécu dans quatre codex : deux à l’Escorial, un à la Bibliothèque nationale de Madrid et un à Florence, en Italie. Certains comportent des miniatures colorées montrant des paires de musiciens jouant d’une grande variété d’instruments.

Troubadours et Trouvères

La musique des troubadours et des trouvères était une tradition vernaculaire de chansons profanes monophoniques, probablement accompagnées d’instruments, chantées par des musiciens professionnels, parfois itinérants, qui étaient aussi habiles comme poètes que comme chanteurs et instrumentistes. La langue des troubadours était l’occitan (également appelé langue d’oc, ou provençal) ; la langue des trouvères était l’ancien français (également appelé langue d’oil). La période des troubadours correspond à l’épanouissement de la vie culturelle en Provence qui a duré tout au long du XIIe siècle et jusqu’à la première décennie du XIIIe siècle. Les sujets typiques des chansons des troubadours étaient la guerre, la chevalerie et l’amour courtois. La période des troubadours s’est achevée après la croisade d’Albigeois, la campagne féroce menée par le pape Innocent III pour éliminer l’hérésie cathare (et le désir des barons du nord de s’approprier les richesses du sud). Les troubadours survivants sont allés soit au Portugal, en Espagne, dans le nord de l’Italie ou dans le nord de la France (où la tradition trouvère a perduré), où leurs compétences et leurs techniques ont contribué aux développements ultérieurs de la culture musicale séculaire dans ces endroits.

La musique des trouvères était similaire à celle des troubadours, mais elle a pu survivre au XIIIe siècle sans être affectée par la croisade des Albigeois. La plupart des plus de deux mille chansons trouvères qui subsistent comprennent de la musique, et montrent une sophistication aussi grande que celle de la poésie qu’elle accompagne.

La tradition des Minnesinger était le pendant germanique de l’activité des troubadours et des trouvères à l’ouest. Malheureusement, peu de sources survivent de cette époque ; les sources du Minnesang datent pour la plupart de deux ou trois siècles après l’apogée du mouvement, ce qui donne lieu à une certaine controverse quant à leur exactitude. Parmi les Minnesingers dont la musique a survécu, on trouveWolfram von Eschenbach, Walther von der Vogelweide et Niedhart von Reuenthal.

Trovadorismo

Illustration du troubador Peire Raimon de Toulouse

Troubador Peire Raimon de Toulouse

Au Moyen Âge, le galicien-portugais était la langue utilisée dans presque toute l’Ibérie pour la poésie lyrique. De cette langue dérivent le galicien et le portugais modernes. L’école galicienne-portugaise, qui a été influencée dans une certaine mesure (principalement dans certains aspects formels) par les troubadours occitans, est documentée pour la première fois à la fin du XIIe siècle et a duré jusqu’au milieu du XIVe siècle.

La plus ancienne composition existante de cette école est généralement convenue comme étant Ora faz ost’ o senhor de Navarra du Portugais João Soares de Paiva, généralement datée juste avant ou après 1200. Les troubadours de ce mouvement, à ne pas confondre avec les troubadours occitans (qui fréquentaient les cours des provinces voisines de León et de Castille), écrivaient presque exclusivement des cantigas. Probablement à partir du milieu du XIIIe siècle, ces chansons, également appelées cantares ou trovas, ont commencé à être compilées dans des recueils appelés cancioneiros (livres de chansons). Trois de ces anthologies sont connues : le Cancioneiro da Ajuda, le Cancioneiro Colocci-Brancuti (ou Cancioneiro da Biblioteca Nacional de Lisboa), et le Cancioneiro da Vaticana. A ceux-ci s’ajoute l’inestimable collection de plus de 400 cantigas galiciennes-portugaises des Cantigas de Santa Maria, que la tradition attribue à Alphonse X.

Les cantigas galico-portugais peuvent être divisés en trois genres fondamentaux : la poésie amoureuse à voix masculine, appelée cantigas de amor (ou cantigas d’amor) ; la poésie amoureuse à voix féminine, appelée cantigas de amigo (cantigas d’amigo) ; et la poésie d’insulte et de moquerie appelée cantigas d’escarnho e de mal dizer. Ces trois genres sont des genres lyriques au sens technique du terme, c’est-à-dire qu’il s’agit de chants strophiques avec un accompagnement musical ou une introduction sur un instrument à cordes. Mais ces trois genres comportent également des éléments dramatiques, ce qui a conduit les premiers spécialistes à les qualifier de lyrico-dramatiques.

Les origines des cantigas d’amor sont généralement rattachées à la poésie lyrique provençale et à l’ancien français, mais sur le plan formel et rhétorique, elles sont très différentes. Les cantigas d’amigo trouvent probablement leurs racines dans une tradition de chansons indigènes, bien que cette opinion ait été contestée. Les cantigas d’escarnho e maldizer peuvent également (selon Lang) avoir de profondes racines locales. Ces deux derniers genres (totalisant environ 900 textes) font de la lyrique galicienne-portugaise un cas unique dans tout le panorama de la poésie romane médiévale.

Troubadours dont les mélodies ont survécu :

  • Aimeric de Belenoi
  • Aimeric de Peguilhan
  • Aires Nunes
  • Albertet de Sestaro
  • Arnaut Daniel
  • Arnaut de. Maruoill
  • Beatritz de Dia
  • Berenguier de Palazol
  • Bernart de Ventadorn
  • Bertran de Born
  • Blacasset
  • Cadenet
  • Daude de Pradas
  • Denis de Portugal
  • Folquet de Marselha
  • Gaucelm Faidit
  • Gui d’Ussel
  • Guilhem Ademar
  • Guilhem. Augier Novella
  • Guilhem Magret
  • Guilhem de Saint Leidier
  • Guiraut de Bornelh
  • Guiraut d’Espanha
  • Guiraut Riquier
  • Jaufre Rudel
  • João Soares de Paiva
  • João Zorro
  • Jordan Bonel
  • Marcabru
  • Martín Codax
  • Monge de Montaudon
  • Peire d’Alvernhe
  • Peire Cardenal
  • Peire Raimon de Tolosa
  • Peire Vidal
  • Peirol
  • Perdigon
  • Pistoleta
  • Pons d’Ortaffa
  • Pons de Capduoill
  • Raimbaut d’Aurenga
  • Raimbaut de Vaqueiras
  • Raimon Jordan
  • Raimon de Miraval
  • Rigaut de Berbezilh
  • Uc Brunet
  • Uc de Saint Circ
  • William IX d’Aquitaine

Compositeurs de la haute et de la fin de l’époque médiévale :

Musique médiévale tardive (1300-1400)

France : Ars Nova

Le début de l’Ars nova est l’une des rares divisions chronologiques nettes de la musique médiévale, puisqu’elle correspond à la publication du Roman de Fauvel, une immense compilation de poésie et de musique, en 1310 et 1314. Le Roman de Fauvel est une satire des abus de l’église médiévale, et est rempli de motets médiévaux, de lais, de rondeaux et d’autres nouvelles formes séculaires. Bien que la plupart de la musique soit anonyme, il contient plusieurs pièces de Philippe de Vitry, l’un des premiers compositeurs du motet isorythmique, un développement qui caractérise le XIVe siècle. Le motet isorythmique a été perfectionné par Guillaume de Machaut, le meilleur compositeur de l’époque.

Page du Roman de Fauvel

Page du manuscrit français Livres de Fauvel, Paris (vers 1318), « la première source pratique de la musique Ars nova. »

Au cours de l’ère de l’Ars nova, la musique profane a acquis une sophistication polyphonique que l’on ne trouvait auparavant que dans la musique sacrée, un développement qui n’est pas surprenant compte tenu du caractère séculier du début de la Renaissance (alors que cette musique est typiquement considérée comme « médiévale », les forces sociales qui l’ont produite ont été responsables du début de la Renaissance littéraire et artistique en Italie – la distinction entre Moyen Âge et Renaissance est floue, surtout si l’on considère des arts aussi différents que la musique et la peinture). Le terme « Ars nova » (nouvel art, ou nouvelle technique) a été inventé par Philippe de Vitry dans son traité du même nom (probablement écrit en 1322), afin de distinguer cette pratique de la musique de l’âge immédiatement précédent.

Le genre profane dominant de l’Ars Nova était la chanson, comme il le restera en France pendant encore deux siècles. Ces chansons étaient composées dans des formes musicales correspondant à la poésie qu’elles mettaient en scène, qui étaient dans les formes dites fixes du rondeau, de la ballade et du virelai. Ces formes ont eu un impact significatif sur le développement de la structure musicale, d’une manière qui se ressent encore aujourd’hui ; par exemple, le schéma de rimes ouvert-fermé partagé par les trois formes exigeait une réalisation musicale qui a contribué directement à la notion moderne de phrases antécédentes et conséquentes. C’est également à cette époque qu’a débuté la longue tradition de mise en musique de l’ordinaire de la messe. Cette tradition a débuté vers le milieu du siècle avec des mises en musique isolées ou jumelées de Kyries, Glorias, etc., mais Machaut a composé ce qui est considéré comme la première messe complète conçue comme une seule composition. Le monde sonore de la musique Ars Nova est marqué par la primauté de la linéarité et la complexité rythmique. Les intervalles « de repos » sont la quinte et l’octave, les tierces et les sixtes étant considérées comme des dissonances. Les sauts de plus d’une sixième dans les voix individuelles ne sont pas rares, ce qui conduit à la spéculation d’une participation instrumentale au moins dans l’exécution séculaire.

Les manuscrits français survivants comprennent le Codex Ivrea et le Codex Apt.

Italie : Trecento

La plupart de la musique de l’Ars nova était d’origine française ; cependant, le terme est souvent appliqué de manière large à toute la musique du XIVe siècle, en particulier pour inclure la musique profane en Italie. Là-bas, cette période était souvent appelée Trecento.

La musique italienne a toujours, semble-t-il, été connue pour son caractère lyrique ou mélodique, et cela remonte au XIVe siècle à bien des égards. La musique profane italienne de cette époque (le peu de musique liturgique qui subsiste est semblable à la musique française, à l’exception d’une notation quelque peu différente) se caractérise par ce qu’on a appelé le style cantalina, avec une voix de tête florissante soutenue par deux voix (ou même une seule ; une bonne partie de la musique italienne du Trecento est à deux voix seulement) plus régulières et plus lentes. Ce type de texture est resté une caractéristique de la musique italienne dans les genres populaires séculaires des quinzième et seizième siècles également, et a été une influence importante sur le développement éventuel de la texture en trio qui a révolutionné la musique au dix-septième siècle.

Il y avait trois formes principales pour les œuvres séculaires dans le Trecento. L’une était le madrigal, pas le même que celui de 150-250 ans plus tard, mais avec une forme de type vers/refrain. Des strophes de trois lignes, chacune avec des mots différents, alternaient avec une ritournelle de deux lignes, avec le même texte à chaque apparition. Peut-être pouvons-nous voir dans ce dispositif les germes de la ritournelle de la fin de la Renaissance et du Baroque, qui revient elle aussi sans cesse, reconnaissable à chaque fois, en contraste avec les sections disparates qui l’entourent. Une autre forme, la caccia ( » poursuite « ), était écrite pour deux voix en canon à l’unisson. Parfois, cette forme comportait également une ritournelle, qui était parfois aussi dans un style canonique. En général, le nom de ce genre avait un double sens, puisque les textes de caccia portaient principalement sur des chasses et des activités de plein air connexes, ou du moins sur des scènes d’action. La troisième forme principale était la ballata, qui était à peu près l’équivalent du virelai français.

Les manuscrits italiens survivants comprennent le codex Squarcialupi et le codex Rossi.

Pour des informations sur des compositeurs italiens spécifiques écrivant à la fin de l’ère médiévale, voir Francesco Landini, Gherardello da Firenze, Andrea da Firenze, Lorenzo da Firenze, Giovanni da Firenze (alias Giovanni da Cascia), Bartolino da Padova, Jacopo da Bologna, Donato da Cascia, Lorenzo Masini, Niccolò da Perugia et Maestro Piero.

Allemagne : Geisslerlieder

Les Geisslerlieder étaient les chants de bandes errantes de flagellants, qui cherchaient à apaiser la colère d’un Dieu en colère par une musique pénitentielle accompagnée de la mortification de leur corps. Il y a eu deux périodes distinctes d’activité des Geisslerlied : une vers le milieu du treizième siècle, dont, malheureusement, aucune musique ne survit (bien que de nombreuses paroles le fassent) ; et une autre à partir de 1349, pour laquelle les paroles et la musique survivent intactes grâce à l’attention d’un seul prêtre qui a écrit sur le mouvement et enregistré sa musique. Cette deuxième période correspond à la propagation de la peste noire en Europe, et documente l’un des événements les plus terribles de l’histoire européenne. Les deux périodes d’activité du Geisslerlied se sont déroulées principalement en Allemagne.

Il y avait aussi de la polyphonie d’influence française écrite dans les régions allemandes à cette époque, mais elle était un peu moins sophistiquée que ses modèles. En toute justice pour les compositeurs majoritairement anonymes de ce répertoire, cependant, la plupart des manuscrits qui subsistent semblent avoir été copiés avec une extrême incompétence, et sont remplis d’erreurs qui rendent impossible une évaluation vraiment approfondie de la qualité de la musique.

Manièrisme et Ars Subtilior

Partition en forme de cœur du Codex Chantilly

La chanson Belle, bonne, sage de Baude Cordier, une pièce Ars subtilior incluse dans le Codex de Chantilly

Comme on le voit souvent à la fin de toute époque musicale, la fin de l’ère médiévale est marquée par un style très maniériste connu sous le nom d’Ars subtilior. D’une certaine manière, il s’agissait d’une tentative de fusionner les styles français et italien. Cette musique était très stylisée, avec une complexité rythmique qui n’a pas été égalée avant le vingtième siècle. En fait, non seulement la complexité rythmique de ce répertoire a été largement inégalée pendant cinq siècles et demi, avec des syncopes extrêmes, des tromperies mensongères et même des exemples d’augenmusik (comme une chanson de Baude Cordier écrite en manuscrit en forme de cœur), mais son matériau mélodique était également très complexe, en particulier dans son interaction avec les structures rythmiques. La pratique de l’isorythmie, déjà évoquée dans le cadre de l’Ars Nova, a continué à se développer à la fin du siècle et n’a en fait atteint son plus haut degré de sophistication qu’au début du XVe siècle. Au lieu d’utiliser des techniques isorythmiques pour une ou deux voix, ou de les échanger entre les voix, certaines œuvres en sont venues à présenter une texture isorythmique omniprésente qui rivalise avec le sérialisme intégral du XXe siècle dans son ordonnancement systématique des éléments rythmiques et tonaux. Le terme « maniérisme » a été appliqué par des chercheurs ultérieurs, comme c’est souvent le cas, en réponse à une impression de sophistication pratiquée pour elle-même, une maladie qui, selon certains auteurs, a infecté l’Ars subtilior.

L’une des plus importantes sources existantes de chansons de l’Ars subtilior est le Codex de Chantilly.

Pour des informations sur des compositeurs spécifiques écrivant de la musique dans le style Ars subtilior, voir Anthonello de Caserta, Philippus de Caserta (alias Philipoctus de Caserta), Johannes Ciconia, Matteo da Perugia, Lorenzo da Firenze, Grimace, Jacob Senleches et Baude Cordier.

Transition vers la Renaissance

Démarquer la fin de l’ère médiévale et le début de la Renaissance, en ce qui concerne la composition musicale, est difficile. Alors que la musique du XIVe siècle est assez manifestement de conception médiévale, celle du début du XVe siècle est souvent conçue comme appartenant à une période de transition, conservant non seulement certains des idéaux de la fin du Moyen Âge (comme un type d’écriture polyphonique dans lequel les parties diffèrent largement les unes des autres par leur caractère, car chacune a sa fonction texturale spécifique), mais présentant également certains des traits caractéristiques de la Renaissance (comme le style international se développant par la diffusion de musiciens franco-flamands dans toute l’Europe, et en termes de texture une égalité croissante des parties).

Les historiens de la musique ne s’accordent pas sur la date de début de l’ère de la Renaissance, mais la plupart des historiens s’accordent à dire que l’Angleterre était encore une société médiévale au début du XVe siècle (voir les problèmes de périodisation du Moyen Âge). Bien qu’il n’y ait pas de consensus, 1400 est un marqueur utile, car c’est à peu près à cette époque que la Renaissance a battu son plein en Italie.

La dépendance croissante de l’intervalle de la tierce comme consonance est l’une des caractéristiques les plus prononcées de la transition vers la Renaissance. La polyphonie, en usage depuis le XIIe siècle, devient de plus en plus élaborée avec des voix très indépendantes tout au long du XIVe siècle. Avec John Dunstaple et d’autres compositeurs anglais, en partie grâce à la technique locale de l’offaburden (un processus d’improvisation dans lequel une mélodie chantée et une partie écrite prédominant en sixièmes parallèles au-dessus d’elle sont ornementées par une partie chantée en quartes parfaites au-dessous de cette dernière, et qui s’est ensuite imposé sur le continent sous le nom de « fauxbordon »), l’intervalle de la tierce émerge comme un développement musical important ; en raison de cette Contenance Angloise, la musique des compositeurs anglais est souvent considérée comme la première à ne pas paraître vraiment bizarre aux yeux d’un public moderne et non averti. Les tendances stylistiques anglaises à cet égard se sont concrétisées et ont commencé à influencer les compositeurs continentaux dès les années 1420, comme on peut le voir dans les œuvres du jeune Dufay, entre autres. Alors que la guerre de Cent Ans se poursuivait, les nobles anglais, leurs armées, leurs chapelles et leur suite, et donc certains de leurs compositeurs, voyageaient en France et y jouaient leur musique ; il faut aussi bien sûr se rappeler que les Anglais contrôlaient des portions du nord de la France à cette époque.

Les manuscrits anglais comprennent les fragments de Worcester, le livre de musique de Old St. Andrews, le manuscrit de Old Hall et le manuscrit Egerton.

Pour des informations sur des compositeurs spécifiques qui sont considérés comme transitoires entre le médiéval et la Renaissance, voir Zacara da Teramo, Paolo da Firenze, Giovanni Mazzuoli,Antonio da Cividale, Antonius Romanus, Bartolomeo da Bologna, Roy Henry, Arnold de Lantins, Leonel Power et John Dunstaple.

Messe

Les plus anciennes mises en musique de la messe sont le chant grégorien. Les différentes portions de l’Ordinaire sont entrées dans la liturgie à des moments différents, le Kyrie étant probablement le premier (peut-être dès le VIIe siècle) et le Credo le dernier (il ne fait pas partie de la messe romaine avant 1014).

Au début du XIVe siècle, les compositeurs ont commencé à écrire des versions polyphoniques des sections de l’Ordinaire. La raison de ce regain d’intérêt n’est pas connue, mais il a été suggéré qu’il y avait une pénurie de nouvelle musique puisque les compositeurs étaient de plus en plus attirés par la musique profane, et que l’intérêt général pour l’écriture de la musique sacrée était entré dans une période de déclin. La partie non changeante de la messe, l’Ordinaire, aurait alors une musique disponible en permanence pour l’exécution.

Deux manuscrits du quatorzième siècle, le Codex Ivrea et le Codex Apt, sont les sources primaires pour les réglages polyphoniques de l’Ordinaire. Sur le plan stylistique, ces mises en musique sont similaires aux motets et à la musique profane de l’époque, avec une texture à trois voix dominée par la partie la plus haute. La plupart de cette musique a été écrite ou assemblée à la cour papale d’Avignon.

Plusieurs messes complètes anonymes du quatorzième siècle subsistent, y compris la messe de Tournai ; cependant, les divergences de style indiquent que les mouvements de ces messes ont été écrits par plusieurs compositeurs et compilés ensuite par des scribes en un seul ensemble. La première messe complète que nous connaissons dont le compositeur peut être identifié est la Messe de Nostre Dame de Guillaume de Machaut au quatorzième siècle.

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