Le secret environnemental le plus honteux du Canada' ne doit pas rester caché

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Cette semaine, le gouvernement canadien sera à Bonn pour vanter le plan climatique du Canada. Il sera rejoint par des compagnies pétrolières canadiennes qui s’efforcent de donner une teinte verte aux sables bitumineux canadiens – mais le monde ne doit pas être dupe.

La vérité est que le Canada ne peut pas encore atteindre ses propres objectifs climatiques, dont on peut dire qu’ils sont faibles. Le pays prévoit d’accroître la production de pétrole et de gaz malgré les preuves que cela est incompatible avec les objectifs de Paris. Ensuite, il y a la question des boues toxiques des déchets issus de la destruction des sables bitumineux du Canada, qui forment ce qu’on appelle des bassins de résidus.

Depuis cette année, ces bassins contiennent 1 trillion de litres de boues qui ne ressemblent à aucun autre sous-produit industriel dans le monde. Ils contiennent un cocktail unique de produits chimiques toxiques et d’hydrocarbures qui resteront en suspension comme de la mélasse pendant des siècles si on les laisse tranquilles.

Ces bassins ouverts et non revêtus couvrent actuellement 220 km², une superficie équivalente à 73 Central Parks de New York. Un seul bassin de résidus – le bassin de décantation du lac Mildred – a été identifié par le ministère américain de l’Intérieur comme le plus grand barrage du monde.

« Ces bassins contiennent 1 trillion de litres de boue qui ne ressemble à aucun autre sous-produit industriel dans le monde.

Ces bassins de résidus ont fait la une des journaux internationaux en 2008 lorsque 1 600 canards ont volé dans l’un d’eux. Les images d’animaux enduits de pétrole qui en ont résulté ont été un rappel puissant des coûts de notre dépendance mondiale au pétrole.

Depuis lors, la question s’est lentement effacée de la mémoire du public, les promesses stridentes du gouvernement de l’Alberta de nettoyer les bassins ayant laissé le Canada et le reste du monde sous l’impression que le problème était sérieusement traité.

Pourtant, le mois dernier, le gouvernement de l’Alberta a approuvé un plan de gestion des résidus pour Suncor Energy Incorporated, la plus ancienne société minière des sables bitumineux canadiens. En approuvant ce plan, Suncor aura 70 ans de plus après la fermeture de ses opérations pour nettoyer le gâchis environnemental qu’elle a créé au cours de 60 ans d’extraction de pétrole.

Pour être clair, l’Alberta a un nouveau gouvernement progressiste majoritaire du NPD qui a fait de grandes avancées, attendues depuis longtemps, pour aborder les questions sociales et environnementales, comme l’élimination progressive du charbon et le plafonnement des émissions provenant des sables bitumineux.

Cependant, même sous ce gouvernement, les impacts cumulatifs de ce développement des combustibles fossiles augmentent et l’industrie continue d’obtenir des approbations radicales qui sont choquantes par leur manque de rigueur environnementale.

L’historique des faibles tentatives du gouvernement pour s’attaquer aux résidus miniers est choquant. Il y a quelques années, une directive a été mise en place pour obliger les entreprises à réduire les résidus. Pas une seule entreprise ne s’est conformée. Plutôt que d’infliger des amendes aux entreprises ou de leur refuser des permis, le gouvernement a simplement supprimé la directive.

Cette récente approbation de Suncor met en évidence l’empreinte environnementale cumulative stupéfiante et croissante des sables bitumineux de l’Alberta. L’exploitation des sables bitumineux pour le pétrole produit plus de 3 600 tonnes d’émissions de CO2 par hectare, consomme de l’eau douce à un rythme qui rivalise avec la consommation quotidienne d’eau de plusieurs grandes villes canadiennes combinées, et a détruit un morceau de forêt boréale et d’habitat de muskeg de la taille d’une ville de New York.

Pour ces raisons, les sables bitumineux ont été surnommés le plus grand (et le plus destructeur) projet industriel de l’histoire de l’humanité.

Malheureusement, la crise environnementale désormais totale des bassins de résidus des sables bitumineux n’a fait qu’empirer au cours de la dernière décennie. Au Canada, les provinces et les territoires ont compétence sur l’extraction des ressources, et la mise en œuvre d’un nouveau règlement sur les résidus par l’organisme de réglementation provincial a entraîné un examen récent de tous les plans de gestion des résidus des exploitations de sables bitumineux.

Le plan de Suncor est le premier à être approuvé, mais il représente une soumission typique. Pour cette raison, la décision d’approbation a maintenant établi le précédent de ce qui sera considéré comme acceptable par l’organisme de réglementation dans le secteur, et ce n’est pas joli.

Bien que la mine de Suncor fermera en 2033, on leur a accordé jusqu’après 2100 pour trouver comment nettoyer leurs résidus et remettre le terrain en état. De plus, ils vont  » traiter  » leurs résidus en les déversant au fond des fosses et en les recouvrant d’eau douce pour former un  » lac  » permanent.

Les risques écologiques à long terme que cela crée vont bien au-delà de l’Alberta, et même du Canada. Plusieurs des bassins de résidus ont maintenant des décennies. La défaillance d’une seule digue de résidus pourrait entraîner une contamination des cours d’eau de la région de l’Athabasca en Alberta jusqu’à l’océan Arctique, qui ferait paraître même la catastrophe de l’Exxon Valdez bénigne en comparaison.

En outre, les données gouvernementales montrent que ces bassins de résidus fuient et les dirigeants autochtones ont demandé à plusieurs reprises des études sur la santé et noté que l’expansion des sables bitumineux viole leurs droits issus de traités

L’état désastreux de cette situation est aggravé par l’avenir économique très incertain de l’exploitation des sables bitumineux. L’approche de l’industrie des sables bitumineux en matière de gestion des résidus depuis 1967 a consisté à remettre à plus tard le nettoyage des dégâts jusqu’à ce qu’une technologie miracle soit trouvée pour les traiter.

Maintenant, 50 ans plus tard, les technologies de nettoyage des résidus qui ont été découvertes ne sont pas mises en œuvre parce qu’elles sont coûteuses et que le gouvernement ne les exige pas.

En attendant, on renvoie la balle encore plus loin dans le futur. En 2015, le vérificateur général a estimé que la responsabilité des résidus dépassait maintenant 20 milliards de dollars, un chiffre que beaucoup disent être conservateur. L’exploitation des sables bitumineux est l’une des façons les plus coûteuses de produire du pétrole brut dans le monde, et comme l’Agence internationale de l’énergie évalue que le pic de la demande de pétrole du 21e siècle est proche, elle sera parmi les premières industries pétrolières à faire face à la faillite.

S’ils ne sont pas traités maintenant, les résidus de sables bitumineux pourraient devenir un héritage toxique permanent des formes les plus imprudentes d’extraction de combustibles fossiles du 20e siècle.

Heureusement, cependant, il est encore temps de faire la lumière sur le secret environnemental le plus honteux du Canada et de forcer les pollueurs à payer aujourd’hui avant qu’ils ne soient plus là pour le faire.

  • Tzeporah Berman est conseillère politique canadienne sur les questions de climat et d’énergie et professeure adjointe d’études environnementales à l’Université York
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